Sauter le pas

Publié le

La première fois que j’ai couché avec une fille, j’ai compris ce que c’était, le sexe. C’est comme si tout ma vie, on m’avait dit : « La musique, c’est Francis Lalanne » sans jamais me parler de Beyoncé ! Evidemment que j’aime la musique si tu me fais écouter du Beyoncé.

Tahnee © Marie Rouge

Depuis quatre ans, elle déploie son premier spectacle L’autre qui traverse joyeusement les diversités de cultures, de genres, de sexualités. Elle donne à voir sur scène l’invisible : une femme métisse lesbienne. Créatrice du Comédie Love, plateau d’humour féministe et solidaire, elle est déjà engagée dans son milieu pour offrir des espaces aux moins visibles et élargir la voie aux jeunes humoristes, notamment queers et/ou racisé·e·s.

Tahnee, c’est son vrai prénom. D’origine indienne, celui-ci veut dire « rencontre avec la Beyoncé de l’humour ».

Lire la suite

Curieuse à l’infini

Publié le
Sarah Laurendeau © Annie Éthier
Sarah Laurendeau © Annie Éthier

Notre entrevue a lieu en novembre 2018, en pleine période des représentations parisiennes du spectacle québécois L’Avalée des avalés de Réjean Ducharme mis en scène par Lorraine Pintal, dans l’écrin du Théâtre des Déchargeurs aujourd’hui menacé de fermeture. À cette époque, elle est dans un moment de sa vie où son séjour à Paris lui offre une bulle lui permettant de reconstruire du neuf tous les jours… et de repousser ce qui l’attend à son retour à Montréal. En attendant, elle savoure les nouvelles rencontres, les nouveaux paysages, la chance de jouer devant tant de personnes et la délicieuse soupe qui vient de lui être servie.

Bien des fleuves ont coulé sous les ponts depuis notre entretien. Son parcours a continué de s’enrichir de multiples expériences. On pourra d’ailleurs la retrouver sur les planches à partir du 27 septembre au Théâtre du Rideau Vert à Montréal.

Rencontre avec la comédienne, DJ et créatrice québécoise Sarah Laurendeau.

Lire la suite

Connaissance et reconnaissance

Publié le

L’association Le deuxième texte a pour objectif de redonner leur place aux femmes de lettres dans le canon littéraire enseigné en France. Elle développe une plateforme web pour permettre aux profs de lettres de partager des extraits de textes écrits par des femmes. Elle réalise un travail minutieux de statistiques et de recensements en lien avec les autrices, majoritairement du domaine public. Le deuxième texte est également à l’initiative du défi #JeLaLis, concours ayant pour principe de choisir une autrice francophone oubliée et de trouver, grâce aux ressources mises à disposition et/ou à un travail personnel de recherche, des moyens inventifs de lui donner de la visibilité. Des prix récompensent les plus belles mises en lumière des autrices et de leurs œuvres.

À l’occasion des 400 ans de Molière et des 350 ans de la création de sa pièce Les Femmes savantes, l’association a décidé de dédier l’édition 2022 de #JeLaLis aux théâtrices et aux femmes de presse. C’est dans ce contexte que j’ai été contactée par Le deuxième texte et fait la rencontre de l’un de ses membres, Philippe Gambette, qui m’a proposé une collaboration. En cherchant la meilleure façon d’unir l’univers de nos deux plateformes, l’évidence est apparue d’elle-même.

S’il existe une personne en France qui incarne parfaitement la symbiose entre le travail de l’association Le deuxième texte et celui du blog des Théâtrices, c’est bien elle. Unique en ses genres, cette metteuse en scène, dramaturge, directrice artistique de la compagnie La Subversive, autrice et comédienne est également chercheuse consacrée à l’histoire de l’Ancien Régime. Son intérêt se porte particulièrement sur les rapports femmes-hommes et la question du genre dans les arts du spectacle, notamment par la mise en valeur du matrimoine et des créatrices passées. C’est notamment à elle et à ses recherches que l’on doit le retour du mot « autrice » dans notre vocabulaire. L’ensemble de son travail – créations, recherches, conférences, etc. – s’inscrit dans une volonté farouche de filiation et une démarche nécessaire de rendre le matrimoine vivant. 

Notre entrevue a lieu face au château de Vincennes, site emblématique de notre patrimoine politique, et à quelques foulées du Théâtre du Soleil dirigé par Ariane Mnouchkine, figure emblématique de notre matrimoine culturel. Notre entrevue a lieu dans la dernière ligne droite avant le festival d’Avignon où elle présentera Contes des fées de Marie-Catherine d’Aulnoy. Elle vient accompagnée de livres, carnets et pages de notes. Rigoureuse, comme toujours. Dès l’instant où sa parole s’anime, toute la fatigue dont elle s’excusait en arrivant semble déjà d’un lointain passé lui aussi oublié.

Rencontre avec Aurore Evain.

Lire la suite

Retour

Publié le

Ce blog est né d’un constat : on n’accorde pas suffisamment de visibilité aux femmes du milieu théâtral. Ce blog est né de ma volonté d’un meilleur équilibre et d’une plus grande équité quant à la reconnaissance de leur contribution. Ce blog est né de mon intérêt pour les créatrices, pour leurs ambitions, leurs visions, leurs projets, leurs parcours.

À l’été 2018, en souffrance articulaire et tendineuse, il m’a fallu suspendre les publications. Dans mon esprit alors, cette interruption n’allait durer que quelques semaines, le temps de soulager les douleurs et me réparer. Mais mon état de santé a continué de se dégrader. À un point tel qu’en 2020, j’ai dû mettre également un terme à ma propre pratique théâtrale professionnelle.

Chaque entrevue requiert de nombreuses heures de travail. Ce travail, je l’ai toujours traversé dans la joie, galvanisée par la confiance que les théâtrices m’accordaient. Ce travail exige rigueur, discipline et endurance pour que le résultat soit à la hauteur de la parole des théâtrices et leur fasse honneur.

Rencontrer les théâtrices me manque infiniment. Grâce au soutien de mon entourage, je me lance donc dans une nouvelle façon de faire. Je travaillerai désormais en binôme ou en équipe, me faisant aider pour les missions les plus longues et physiquement éprouvantes à accomplir (les retranscriptions, par exemple). Avec toujours pour ambition d’offrir un espace de parole respectueux et libre.

Tout ce temps, si je n’ai jamais désespéré de pouvoir reprendre mon blog et si ma flamme est restée intacte malgré cette longue suspension, c’est parce qu’en 2022, l’existence du blog des Théâtrices garde toujours un sens vivace, profond, puissant, joyeux, passionné, nécessaire.

À bientôt…

Le IN fait genre

Publié le

Carole Thibaut © CécileDureuxThéâtredesIlets

Cette année, le Festival d’Avignon IN –dirigé par Olivier Py– est consacré à la thématique du genre. Parmi les événements au programme de cette édition, David Bobée encadre le feuilleton citoyen quotidien Mesdames, messieurs et le reste du monde qui interroge le déplacement des représentations. C’est dans ce cadre qu’a été organisée le 13 juillet dernier au jardin Ceccano la première cérémonie des Molières non raciste et non genrée. À cette occasion, la théâtrice Carole Thibaut a été récompensée du «Catherine Bernard-Jeanne Laurent de celle qui fait tout». Voici le texte qu’elle a lu au moment d’aller chercher son prix : Lire la suite

À la bonne distance

Publié le

Dominique Reymond (autoportrait)

Rencontre avec Dominique Reymond. Lire la suite

Solitudes réconciliées

Publié le

Partageant chacune une rive du même océan, notre entrevue ne pouvait avoir lieu que dans un espace aux frontières vagues. Après à peine quelques secondes d’appel vidéo, l’image se fige. Un comble pour cette femme qui refuse de se réfugier derrière les images figées, surtout celles des stéréotypes et des idées reçues.

Pascale Drevillon

En arrière-plan, un mur recouvert de ses inspirations et de ses souvenirs. Un miroir parfaitement rond encerclé d’ampoules qui grimpent le long des courbes forgées. Une affiche de spectacle exposant une banane en train de se déshabiller de sa peau. Le décor est planté.

Au cours de l’échange, tantôt elle répond à mes questions, tantôt elle m’envoie les siennes dans un virage. Here and there, elle arrose ses mots d’un peu d’anglais parce que why not après tout. Puis, au hasard de la conversation, elle délivre cette phrase impossible à caser, cette phrase qui ne rentre pas dans le cadre posé par l’entrevue mais qui se doit absolument d’exister quand même : «La valeur du dialogue, c’est donner du pouvoir à l’autre.» La réconciliation est sa clé.

Rencontre avec la comédienne et performeuse québécoise Pascale Drevillon. Lire la suite

Les petits secrets

Publié le

On se donne rendez-vous à Gare de Lyon / non sous la grande horloge près du portillon / mais plutôt au café Minute Papillon.

Marie-Sohna Condé © Zoé Bruneau

Elle ne souhaite pas connaître les questions avant notre rendez-vous ni relire l’entrevue avant sa publication. Sa confiance en l’autre est immédiate. Elle n’appréhende pas l’inconnu comme un piège mais comme une occasion.

Au moment de notre rencontre, elle ne sait pas encore qu’elle participera à la fin du mois de mai au festival des Mises en capsules. Elle ne sait pas encore qu’elle et cinq de ses complices actrices se réuniront à cette occasion pour créer collectivement Bouches cousues, courte forme théâtrale autour du mouvement #MeToo, qu’elle mettra en scène. En attendant de donner à entendre sur le plateau du Ciné 13 Théâtre les paroles libérées de ces femmes, elle ouvre bien grand sa bouche à elle pour s’emparer de son droit à l’expression, se rouler dedans et l’exercer.

La pierre ponce est une roche volcanique très poreuse dont la densité lui permet de flotter à la surface de l’eau. La comédienne et metteuse en scène Marie-Sohna Condé a tout d’une ponce. Rencontre. Lire la suite

Besoin d’air

Publié le

Nous nous installons dans le sous-sol désert du Théâtre National de la Colline à Paris. Les voix se désagrègent dans leurs éclats et se réchauffent par la caféine. Ou l’inverse. Il est 10h du matin. Une heure grasse pour les autres mais une aube pour les artistes nocturnes.

Érika Gagnon © Vincent Champoux

Elle est une femme de théâtre, entièrement. Elle est une «fille de Québec», décidément. Rencontre avec la comédienne et metteuse en scène québécoise Érika Gagnon. Lire la suite

Passage de relais

Alors qu’elle évoque l’effacement de la mémoire des œuvres des femmes, elle vient à bout de la mémoire de tous les appareils d’enregistrement utilisés pour l’entrevue. Un comble. Notre rencontre a lieu dans un café porte d’Orléans, au sud de la capitale. Quand nous aurons terminé, elle pourra facilement rejoindre sous les rafales de pluie et de brume la route qui la reconduira chez elle, à Montluçon, où elle dirige le Théâtre des Îlets – Centre Dramatique National.

Elle mord dans chaque question et y répond comme on lance des couteaux. Tout le monde en prend pour son grade, les hommes comme les femmes. Elle n’épargne personne, pas même elle-même. Au menu, les généralités et les concessions sont rayées de la carte. Au menu, on cuisine les petites andouilles et les gros égos. Au menu, la spécialité de la cheffe : tout ce qui peut se manger cru, saignant ou à point.

Carole Thibaut © CécileDureuxThéâtredesIlets

Rencontre avec l’autrice, directrice du CDN de Montluçon, actrice et metteuse en scène Carole Thibaut. Lire la suite